Nous respirons plusieurs fois par minutes. Les arbres eux, inspirent au printemps, et expirent en automne. Ils vivent dans d’autres espace-temps que nous, et pourtant nous accompagnent depuis des centaines de milliers d’années. Quelle vie intérieure ont-ils ? Comment nous voient-ils ? Que pensent-ils de notre époque ?
A la vue d’un arbre majestueux, de nombreuses questions peuvent apparaître dans nos cœurs émerveillés. Pendant des centaines de milliers d’années, les hommes ont communiqué librement avec les arbres. Leur sagesse et leurs pouvoirs de guérison ont toujours été célébrés par toutes les cultures du monde. Si les hommes ont changé, les arbres, eux, attendent patiemment que nous nous éveillons…
Hier et aujourd’hui
Ce n’est que récemment que l’on a mis des arbres en cage, dans les villes.
Pour nous rassurer, on affirme qu’il y a plus de forêts en France aujourd’hui qu’il y a trois cents ans. Notre pays ressemble à un joli patchwork de champs et de haies, de bois et de forêts, brillants de mille verts au printemps. Ça et là des clochers reliés par des rubans de route, ponctuent le paysage idéal. Mais remontons le temps… disons de deux mille ans.
L’Europe entière est recouverte d’une forêt épaisse et ininterrompue. De la Sibérie au Portugal, de l’Irlande à la Turquie, les sommets touffus de chênes, d’Ormes et de pins millénaires tapissent le paysage, percé seulement de clairières d’où s’échappent un peu de fumée. Là vivaient nos « indigènes » d’ancêtres, de quelques centaines à quelques milliers, avec un chef, des hommes-médecine, des chamans, des guerriers, des chasseurs, des cultivateurs… tout ce qu’aujourd’hui on regarde à la télévision, lors de reportages en Amazonie ou en Afrique. Notre monde tout entier était comme cela !
Nous vivions en union avec les forces de la Nature, libres, naturels et intenses. Ce contact intime permanent nous poussait à cultiver une connaissance très poussée des forces naturelles, afin de composer avec elles, d’en détecter les moindres signes et humeurs. Notre vie dépendait de notre capacité à contacter l’âme de la Nature. Cela engendrait toute une culture d’histoires, de contes et légendes dont le symbolisme nous est assez difficile à comprendre aujourd’hui. Certaines pratiques chamaniques ont demeuré également jusqu’à aujourd’hui, pour la plupart sous forme de folklore, de traditions ou de superstitions.
Une longue amitié mise à mal
Paradoxalement, ce sont les missionnaires, qui détruisirent ces cultures ancestrales en les christianisant, qui nous donnent le plus d’éléments sur ces anciennes spiritualités. On connaît notamment un certain Archevêque anglais qui a combattu avec virulence toutes les anciennes pratiques spirituelles des populations locales. Il écrivit : « Si les indigènes étaient moins bêtes, ils sauraient que c’est le vrai Dieu qui a créé toute la nature pour la seule jouissance de l’homme. J’appelle tous les Prêtres de notre Sainte Eglise à exterminer avec le plus grand zèle toutes ces anciennes croyances païennes. » Avec mille ans de recul, on voit dans quels extrêmes cette attitude, cette mentalité d’exploitation nous a menés : une destruction totale de la planète que l’on n’aurait jamais pu imaginer il y a seulement un siècle ! Quelle différence avec la mentalité ancestrale, pour qui la Nature était tout à fait vivante, pleine d’énergies spirituelles, de forces et de pouvoirs, d’arbres, de sources et de rochers magiques ! Le chamanisme de nos ancêtres n’était pourtant pas une échappée vers d’autres mondes mais plutôt la sacralisation du quotidien. Oui, pour eux, Dieu n’était pas ailleurs, mais ici et maintenant, tout autour de nous et en nous. Les arbres étaient pour le chaman une échelle vers d’autres mondes. Il montait dans ses branches pour recevoir ses conseils de sagesse et les délivrer à toute la communauté… Ce qui concurrençait directement les représentants de l’Eglise. Pour nos ancêtres qui vivaient en union avec la Mère-Terre, les paysages parlaient à l’âme, reflétant le cosmos et les énergies à l’œuvre.